Intro

Comment ne pas évoquer la fourbure lorsque l’on s’intéresse à l’orthopédie équine ? La fourbure est une pathologie majeure chez le cheval. Elle peut apparaître dans différentes circonstances, être aiguë ou bien devenir chronique, toucher un membre, deux, ou quatre, être associée à une autre pathologie ou non, mais elle a dans tous les cas un effet dévastateur sur le pied du cheval. Même si la fourbure est bien connue depuis des siècles, il y a encore beaucoup à apprendre sur cette pathologie. Malgré tout, vétérinaires et maréchaux-ferrants parviennent dans bien des cas à soigner les chevaux qui en sont atteints. Et c’est pour en montrer un exemple que nous avons voulu parler d’un cas concret : une jument fourbue, suivie par le Dr Nathalie Veniard, vétérinaire à la clinique de Rance-Frémur et Xavier Derrien, maréchal-ferrant à Dinan.

Notre cas

Le cas de cette jument a débuté lorsqu’elle a présenté une boiterie aiguë de grade 5/5 du postérieur droit (voir l’article “Comment repérer une boiterie de pied chez votre équidé?”). Rapidement, un objet contondant a été retrouvé planté dans la fourchette du postérieur droit. Une fois l‘objet enlevé, la fourchette parée afin de pouvoir désinfecter et appliquer un pansement. La jument est maintenue au box mais elle présente rapidement une douleur importante au niveau du pied lésé. De ce fait, elle refuse de bouger et reporte totalement son appui sur le postérieur gauche. Ces deux comportements ont des conséquences catastrophiques pour ce pied postérieur gauche qui subit continuellement la charge de l’arrière-main. Dans ces conditions, la circulation sanguine du pied ne peut plus s’effectuer normalement et, quelques jours plus tard, les premiers signes de fourbure du postérieur gauche apparaissent.

C’est à ce moment que le vétérinaire est sollicité pour établir un diagnostic. Après examen clinique et radiographique (Figure 1), celui-ci est sans appel. La fourbure diagnostiquée a déjà sévèrement dégradé la structure du pied. La cohésion normale entre le sabot et les tissus sous-jacents du pied n’est plus présente, ce qui a pour conséquence un effondrement et une bascule de la 3e phalange.

La jument est prise en charge et reçoit un traitement médicamenteux, notamment analgésique et une ferrure thérapeutique est prescrite. A ce stade, les intervenants sont bien conscients que le pronostic vital est réservé à long terme et le pronostic sportif est très sombre.

Figure 1 : Cliché radiographique. La 3e phalange est effondrée dans la boîte cornée et vient écraser les tissus mous et les vaisseaux sanguins entre la sole et l’os. Un basculement de la 3e phalange est également présent. Le schéma illustre le phénomène. A noter, le cliché a été réalisé avec le pied posé en pince car la jument refusait de s’appuyer dessus

Figure 1

Pour ce qui est de l’évolution à long terme, le choix d’un traitement orthopédique adapté est fondamental. En particulier, c’est la compétence du maréchal-ferrant qui est déterminante. Le vétérinaire est en mesure d’exposer au maréchal, la nature et la sévérité des lésions qu’il observe, et, à la suite de cette discussion, le maréchal propose une solution de ferrage thérapeutique. Lorsque l’on est face à des cas compliqués comme celui-ci, le défi pour le maréchal-ferrant est de proposer un ferrage thérapeutique qui soit, bien sûr, adaptée au problème rencontré, mais aussi réalisable techniquement. En fonction de la qualité du pied et du mode de vie du cheval, entre autres, le professionnel devra faire des choix et trouver un compromis entre théories et réalités du terrain. Dans notre cas, plusieurs ferrures thérapeutiques ont été essayées (figure 2 et figure 3).

Figure 2 : Cliché radiographique. Après 3 mois d’évolution, on note une pousse anarchique de la corne malgré un alignement phalangien, en apparence, correct. A cette époque, la jument était ferrée avec un fer à l’envers.

Figure 2

A terme, c’est le choix du fer ACR rocking shoe 2160 qui s’est avéré le plus efficace (figure 3). Il s’agit d’une ferrure tri-dimensionnelle destinée à faciliter le mouvement du pied et la circulation sanguine. Lorsqu’elle est correctement réalisée, elle permet au pied malade de retrouver un meilleur équilibre dès la première intervention, puis de progresser ferrage après ferrage (figure4)

Figure 3 : Cliché radiographique. Réalisé après ferrage avec le fer ACR 2160. On peut voir que certaines zones de P3 sont déminéralisées du fait du manque de vascularisation. L’alignement des phalanges est relativement correct même si l’équilibre du pied n’est pas encore restauré. Parmi les points positifs, la jument a repris un peu de hauteur de sole.

Figure 3

Figure 4 : Photographie. Exemple de ferrage avec un fer ACR 2160. Le maréchal-ferrant a dû coller le fer avec de la résine car la paroi du pied ne permettait pas un brochage de bonne qualité.

Figure 4

Pour cette jument, l’évolution de son état s’évalue à plusieurs titres.

Sur le plan de son confort et de sa qualité de vie, l’évolution est positive. Plus d’un an après le début du suivi, la jument n’est plus douloureuse au quotidien et peut mener une vie normale au pré.

En revanche, du point de vue de la structure du pied, celle-ci reste sévèrement dégradée. A terme, on pourra espérer que la pousse de la corne retrouve une relation anatomique normale avec les tissus mous du pied. En ce qui concerne la locomotion de la jument, en revanche, il est peu probable que celle-ci s’améliore suffisamment pour que la jument puisse reprendre une activité.

Commentaires des intervenants – Les professionnels parlent de leurs travail

Nathalie Veniard, vétérinaire à la clinique de Rance-Frémur :

“ Le suivi de cette jument est passionnant. Il nécessite pour tous les acteurs (maréchal ferrant, propriétaire et vétérinaire) de la réflexion, de la communication mais aussi de la remise en question !

On n’oubliera pas la patience : la corne est une structure vivante qui met du temps à s’adapter aux changements mis en place à chaque ferrure.

Pour ce cas, HIPPOTYPOSE nous permet un suivi « imagé » du pied malade, tout en n’oubliant pas le reste du cheval notamment l’état général et les 3 autres pieds, éléments à ne pas oublier. En notant à chaque ferrure l’aspect des autres pieds on a pu voir au fur et à mesure une modification de  chaque pied « sain » et agir en conséquence pour le confort du cheval.”

Xavier Derrien, maréchal-ferrant à Dinan :

“ Lorsque nous avons commencé le suivi de cette jument, la situation était très défavorable. Sur les deux ou trois premières ferrures de la jument, l’amélioration a été spectaculaire car 1) elles ont été réalisées avec contrôle radiographique du vétérinaire au moment du parage et 2) le ferrage tridimensionnel avec les fers ACR 2160 ont joué leurs rôles correctifs et ont permis de stimuler la pousse de la corne rapidement.

Désormais, je dirais que, même si l’évolution n’est pas complète, on peut se féliciter d’avoir pu la sauver. Cette jument a montré beaucoup de caractère et de force pour supporter des périodes où elle avait clairement très mal.

Les choses qui m’ont plu autour de ce cas sont la collaboration avec le véto et la volonté de toute l’équipe de faire du soin. Ce que j’en retiens pour des futurs cas, intervenir le plus tôt possible et utiliser un maximum les examens d’imagerie pour être le plus rapidement efficace.

Conclusion

En conclusion, les cas de fourbure sont encore aujourd’hui de vrais défis pour l’équipe soignante qui intervient. Pour preuve, la fourbure reste encore aujourd’hui la première cause d’euthanasie des équidés. Néanmoins, une prise en charge précoce et le collaboration étroite entre vétos et maréchaux permettent de remettre bien des chevaux … sur pieds. C’est l’exemple de cette collaboration entre deux professions que nous voulons mettre en avant et qui est emblématique de la philosophie d’HIPPOTYPOSE. HIPPOTYPOSE fournit un espace au vétérinaire et au maréchal pour réaliser leurs suivis, communiquer avec leurs clients, et surtout, leur fournit un espace de travail commun dans lequel ils peuvent partager des informations et exprimer leur professionnalisme (figure 5).

Figure 5 : Capture d’écran. Le dossier de la jument est partagé entre le vétérinaire et le maréchal ce qui permet un suivi en temps réel efficace.

Figure 5

« Pour mieux comprendre ce qui intéresse le vétérinaire et le maréchal-ferrant« 

Voici une radiographie de profil d’un pied sain. Le vétérinaire regarde chaque élément visible : os, articulations, boite cornée, tissus mous. Chaque contour peut donner une information sur la santé du pied. Lorsqu’il s’agit d’évaluer l’équilibre du pied, le vétérinaire et le maréchal s’attachent à vérifier plusieurs points

  • la pousse de la  muraille est en cohérence avec la position de la 3e phalange, matérialisée par les traits jaunes.
  • le rapport entre la hauteur de la sole et l’épaisseur de la muraille est proche de 1 : les flèches bleues
  • la 3e phalange apparaît comme posée à plat au-dessus du fer, ou avec un léger angle positif comme c’est le cas sur ce cliché : les traits rouges.-
  • les phalanges doivent être correctement alignées : les traits verts.

Et il y a bien entendu d’autres observations possibles sur un tel cliché.

Ce genre de clichés est très utile aux vétérinaires pour juger de la santé du pied et aux maréchal pour juger de la qualité de son parage et de son ferrage. En réalisant régulièrement un cliché radiographique de contrôle, le vétérinaire et le maréchal pourront plus facilement anticiper l’apparition d’une pathologie.

Ce genre de clichés est très utile aux vétérinaires pour juger de la santé du pied et aux maréchal pour juger de la qualité de son parage et de son ferrage. En réalisant régulièrement un cliché radiographique de contrôle, le vétérinaire et le maréchal pourront plus facilement anticiper l’apparition d’une pathologie.

Dr Bertrand Olonde, vétérinaire à la clinique Rance-Frémur et consultant HIPPOTYPOSE

Dr Nathalie Veniard, vétérinaire à la clinique Rance-Frémur.

Mr Xavier Derrien, maréchal-ferrant.